Ici, dans une ambiance générale de compétition, alors que notre art est peu reconnu en Suisse, les marionnettistes cherchent avec difficulté des solutions à leurs soucis pratiques. C'est légitime et personne ne peut leur en tenir rigueur. Quand un collègue me dit « à quoi ça me sert, UNIMA? » , une réaction possible serait de lister mi-honteux, mi-fatigué, les supposés manques de UNIMA en termes de circulation des informations, de formation professionnelle, de propositions d'engagement dans des festivals-rencontres... Mais parfois j'ai aussi envie de répondre simplement : « et toi, en quoi es-tu utile à UNIMA? ».
UNIMA est un réseau, ce n'est pas une ressource. C'est un endroit, une plateforme parmi laquelle on décide ou non d'être actif. Mon expérience personnelle a commencé lors d'un congrès en Croatie, en 2004. M'y rendre c'était « perdre une semaine », c'était « ne rien gagner », c'était « dépenser dans le vide ». Je n'ai jamais regretté mon choix, bien au contraire. Dès 2008 Je me suis engagé beaucoup plus, et je n'ai pas regretté non plus les mois entiers passés à travailler bénévolement pour UNIMA. Ma vision de la place de la marionnette dans le monde s'en est trouvée transformée, UNIMA m'a ouvert à des réalités de la marionnette inconnues de moi jusqu'ici. C'est lors des Congrès que l'on rencontre ces journalistes, ces universitaires, ces directeurs de théâtres, de musées, de festivals, ces marionnettistes venus de Chine, d'Inde, des Etats-Unis, du Japon, d'Afrique de l'Ouest, du Canada ou du Costa Rica … et de toute l'Europe. UNIMA n'est pas un couteau suisse, tout au contraire. UNIMA n'est pas un outil, elle n'est pas pratique, elle est encombrante parfois. Elle a les qualités et les défauts d'une grande famille, qui ne se réunit pas par intérêt. Pour celui qui ne s'engage pas, UNIMA est incompréhensible, compliquée, inutile même.
Quand on s'engage par contre, quand on donne de son temps et de son savoir faire, quand on partage des envies et des projets parfois difficiles à réaliser avec ce réseau mondial, les richesses de UNIMA surgissent. Il est difficile de rendre visibles les tâches nombreuses qui sont réalisées au travers des différentes commissions de UNIMA : les directeurs de festival élaborent des conseils éthiques pour leurs collègues du monde, des agendas, des listes d'adresses; les chercheurs organisent des symposiums et publient; les formateurs allouent des bourses et organisent des forum; les marionnettistes à fibre sociale organisent des spectacles et des ateliers pour les enfants réfugiés; des spécialistes de la communication traduisent l'Encyclopédie Mondiale des Arts de la Marionnette et la rendent accessible sur internet; d'autres mettent en réseau les marionnettistes par continent, organisant des manifestations et des publications. Tout ceci résonne sur des sites chinois, dans les campagnes libanaises, les universités coréennes, les musées espagnols … partout dans le monde, donnant quelques forces à tous ces marionnettistes qui se sentent isolés.
Ce champ d'activité vous est ouvert à toutes et à tous. Nul besoin d'être élu, il suffit d'être actif. UNIMA vit parce que de nombreuses personnes un peu partout dans le monde s'engagent et défendent ses idéaux. UNIMA multiplie les énergies qu'on lui donne, elle propose une immense fenêtre grand ouverte sur le monde. Nous en avons besoin, dans ce si petit pays un peu trop compliqué qui est le nôtre. Quoi qu'il arrive à UNIMA Suisse, il est à souhaiter que nombre d'entre vous se mobilisent au sein de UNIMA. Peu de Suisses ont été présents à Tolosa en Espagne en 2016, ni à Bochum en Allemagne en 2018. La prochaine occasion pour assister à un Congrès sera beaucoup plus lointaine, à Bali en 2020. Je souhaite vivement qu'un bon nombre d'entre vous entreprenne le voyage!
Pierre-Alain Rolle, Membre du Comité Exécutif de UNIMA